Le GR5 de St Gingolph à Modane

France (2019) - 200km

 

Visite médicale annuelle de renouvellement de certif médical : "Monsieur, vous avez perdu 5kg depuis la dernière fois..." -- "Ah oui je viens de faire une section du GR20 en autonomie :-)"

Encore un GR qui déchire

Après un GR20 fait mi octobre à debut novembre, je pense avoir trouvé une recette magique : un grand GR en France, à faire en seconde moitié d'Octobre, pour un traffic quasi nul, des températures sympas (pour moi), des supers coins de montagne, et la sensation d'avoir le GR rien qu'a moi! Du coup cette année je me dis, allez, il y a le grand GR5 qui passe par chez moi, je me lance!

Et effectivement, j'ai été servi! Contrairement au GR20 où j'ai croisé au total disons 20-30 personnes faisant le GR, la j'ai croisé zéro personnes -- et de très rares marcheurs de jour. Trop bon! J'ai même "ouvert" le chemin sur des sections enneigées, truc que j'ai toujours revé de faire :)

Niveau technicité, le GR5 est beaucoup plus facile (pas de chaines à grimper, pas d'exposition particulière -- avant que la neige arrive!), mais le denivellé est plus important, 13500 mètres versus 11000 (sur cette section Saint Gingolph - Modane) pour une distance equivalente.

MAIS! A modane, j'avais encore la patate! Frais, j'aurais pu continuer! Ca change de l'année dernière! Je pense que ma montée en puissance sur les trails de montagne commence à jouer, et ca fait plaisir.

Connections Haute Savoie

Cette rando est assez particulière pour moi, car elle est la jonction entre de multiples petites randos et trails que j'ai fait en Haute Savoie. Du coup à la fois j'étais interessé de voir la jonction entre différents endroits, autant j'ai eu hâte de passer à la partie inconnue après mon entrée en Savoie!

Sur ce GR5, j'ai connecté :

  • La vallée Saint-Gingolph - Novel - Col de Neuva, où j'ai fait une de mes toutes premières sorties à raquettes en arrivant en Haute Savoie. Beau coin sauvage avec pas grand monde!
  • Les cornettes de Bise, que j'avais grimpé depuis Bise un début d'été, par un chemin assez raide depuis le pas de la Bosse.
  • Le lac de Montriont et Avoriaz (de loin), passages assez touristique obligés!
  • Le col de Coux et le col de la Golèse, passé pour la rando du tour des dents blanches (omg l'échelle au dos de la montage) et le trail des Hauts Forts d'Avoriaz.
  • Samoëns, pour le Samoëns Trail tour 2 fois! (Renommé depuis en Ultra Trail du Haut Giffre)
  • La section cascade du Rouget - refuge d'Anterne, fait à 2 reprises, dont une tentative assez impressionante encore bien enneigée en mai où j'ai du rebrousser chemin.
  • Chamonix
  • Les Contamines - Col du Bonhomme (lors de mon demi-tour du mont blanc au printemps)

Frissons d'hiver vers Avoriaz

Troisième jour, il est prévu pluie non stop, et on est servi... Mon frère m'ayant rejoint pour les 3 premiers jours bifurque sur le lac de Montriont, et je continue vers la Suisse au col de Chésery. La pluie s'intensifie et le vent se lève, je pose la tente à 13h, en mode acrobatique, à 1900m. Je me sèche, me mets dans le sac de couchage... puis rajoute une couche, puis encore une couche... puis les gants, mes couches grand froid... A 15h les gouttes sur ma tente ne coulent plus ... elles sont gelées lol ... Et la neige commence. On est mi octobre, je suais avec 26 degrés la veille, je m'attendais pas à ca de suite! Bon de toute manière je suis équippé pour dormir par -5 voire -10, je reste serein.

Après c'est le vent qui s'y met, et ma tente s'écrase régulèrement sur moi au niveau de mes jambes. Ca commence à me rappeller l'Islande, et je sais maintenant que ca sert à rien de stresser la dessus, je pressens fortement que la tente a été concue pour s'aplatir à l'arrière.

La je suis trèèès content de ne pas avoir repris ma tente mono-couche ZPacks Plexamid testée sur le GR20 et d'avoir racheté ma fidèle Big Agnès Fly Creek UL dont le précédent exemplaire m'a servi sur plus de 3000km! Non seulement j'ai évité de prendre quelques litres d'eau dans la tente pendant le montage, mais surtout j'ai pu dormir sans stress de bouger et de créer un passage d'eau durant la nuit. En revanche la ZPacks aurait été surement + stable (pas d'écrasement), mais ca vaut pas les inconvénients. Je pense pouvoir dire que je ne changerais plus de tente maintenant!

Je me reveille le matin, tente complètement écroulée à l'arrière sous le poid de la glace -- le vent aura evité à la neige de s'installer, mais aura consolidé une bonne croute.

Je me dis, OK, situation neigeuse déjà à seulement 1900m à mi octobre, et j'ai appris qu'on rigole pas avec les chemins enneigés, un chemin facile pouvant devenir hardcore avec... Je croise les doigts et serre les fesses.

Samoëns

Pour ce GR5, j'ai un poil plus d'appréhension coté tentage, car la Haute Savoie est assez peuplée, et le GR5 suppose certaines étapes dans des villages dont tout est fermé pour le hors-saison. Et c'est théoriquement totalement interdit en Suisse.

Du coup à Samoëns, 18h, je peine à trouver un coin dans la maigre forêt au bord du Giffre, et me fait remarquer par des promeneurs... Ca aura été, mais j'ai toujours peur de me faire reveiller par un "Gendarmerie Nationale" durant la nuit, chose qui m'est déjà arrivé une fois...

En parlant de ca, j'étais sur la montage d'Anterne le lendemain, assi à terre en train de manger avec la tente qui séchait, et bam! Par derrière, je me fais surprendre par un "Gendarmerie Nationale"! Un gendarme du parc national (je savais pas qu'ils existaient!) qui fait l'inventaire des marques de feux fait par les feux de bois sauvage, et qui vient vérifier que je connais les règles. Camping tente posée 19h à 9h, pas de feux de bois, je connais, pas de pb! Les feux de bois sont de toute manière super inefficace dans mon contexte, comparé à un bon réchaud au gaz... En revanche, j'avoue avoir du mal à tenir le 19h, quand le soleil se couche à 18h30 (et meme 17h30 avec le passage a l'heure d'hiver) -- ca c'est un horaire fait pour l'été!

Montagne d'Anterne

Premier stress, au bas de la montage d'Anterne, je vois que le col d'Anterne est bien enneigé de la neige de l'autre jour ... Le col est a 2250m et la pente potentiellement raide de l'autre coté d'après la carte... Chier, pas envie de stopper déjà! Mais au final ca aura été, la pente était OK à la montée, mais surtout le soleil avait fondu la neige de l'autre coté exposé sud...

Et en arrivant au col.. Whoah la vue sur la chaine du Mont Blanc! Et gloups la vue sur les Aiguilles Rouges que je dois traverser le lendemain à 2350m sur du terrain que la carte me montre raide!

Aiguilles rouges

En bas du col (je vérifie par principe, mais refuge bien entendu fermé), tente posée, je guette les Aiguilles Rouges et tente de visualiser le chemin à travers la neige... Je sais que, vu de face, ca a toujours l'air plus pentu, ... J'essaie de voir si ca passe ou pas... La situation que je cherche à éviter est le chemin à flanc de pente raide, où la neige rend le chemin glissant, et le sol pentu lubrifié par la neige rend toute glissade non arrétable. Ca semble chaud, la météo est pas encourageante, je préviens ma copine que je vais possiblement sortir du GR5 via Servoz. Il se met à pleuvoir, je rentre sous la tente.

Le lendemain, bonne nouvelle, la pluie a fait relever le niveau de la neige. La pluie continue légèrement, temps très nuageux, je me dépeche avant une grosse pluie (et neige?) annoncée plus tard dans la journée. Une trace récente dans la neige me rassure (même si j'ai appris à m'en méfier). Une dizaine de centimètres en haut du col avec exposition modérée, ca passe. Et une magnifique vue sur la chaine du Mont Blanc!!

Chamonix

Le vent soufflant fort, je ne traine pas. Au col du Brévent, je dois théoriquement suivre les crêtes des Aiguilles Rouges jusqu'a Bellachat, dormir aux alentours de Bellachat (c'était mon plan) et descendre ensuite aux Houches. Mais la combinaison neige + vent par rafale + pluie m'encourage pas :-) J'organise un détour par Chamonix, et une nuit d'hotel à l'Alpina avec ma copine qui me rejoint avec le ravito de seconde partie du GR :-)

Lendemain, elle me dépose aux Houches (roh le tricheur), et c'est parti pour la partie la + chiante... Les Houches à Contamines, c'est une "zone urbaine" bien peuplée... Et il refait chaud... Au parc de Contamines, il y a du monde, et je vois des panneaux pour le camping... qui est ouvert! J'y vais, et... personne, zombie-land. Définitivement ouvert, mais vide, les gérants surement occupés qqpart... J'attends, puis ai la flemme et continue mon chemin camper dans bout de forêt.

Beaufortain

Je me reveille avec du gros vent (décidément!), des branches tombent autour de la tente. Je passe le col du Bonhomme, avec, pour la première fois, des cailloux projetés par le vent vers le haut, qui me fouettent les jambes! Je commence à me demander si je suis pas dans un épisode de tempête d'automne...

La température ayant en revanche remontée, j'ai moins de soucis avec la neige, et le col du Bonhomme et le col de la Sauce, tout deux à 2300m, se passent sans problème. Je dors dans des ruines vers le refuge du Plan de la lai (lui aussi fermé, comme tout ce que je croise jusqu'à maintenant).

Le lendemain, gros passage de col à 2450m vers la Pierra Menta, et grosse pluie limite neige prévue en journée, je me lève tot et trace. La pluie tombe, le col semble toujours plus loin et plus haut... mais pas de neige... Et la je vois un bouquetin posé en mode patron en haut du col, qui observe ma montée... Je passe, très belle vallée, il faudra que j'aille voir un jour ce refuge de Presset... mais en attendant je me dépèche sous la grosse pluie de descendre... je passe devant le refuge de la Balme, je tente par principe... OMG c'est ouvert! Enfin un refuge ouvert, et j'en suis content, pas fan de monter la tente sous la pluie! Bien entendu seul, j'ai tout le refuge pour moi!

Sur le logbook du refuge, je lis le passage de la PTL de l'UTMB, avec 300km et 25000 de dénivelé positif... Ca fait réver! En attendant je suis inscrit pour l'OCC de l'UTMB en 2020!

Parc de la vanoise

Au sec, dormi dans le premier lit du GR5, je suis frais! Je repars pour une section "urbaine" du refuge au refuge de Rosuel, à l'entrée du parc de la Vanoise. C'est enfin à partir de maintenant que ca va être sauvage (minus Tignes)! Le refuge de Rosuel fermé lui aussi, je campe devant.

Et la j'expérience un truc totalement nouveau, des "tsunamis de vents"! Zéro vent, on entend un grondement au loin qui se rapproche... Et BAM gros vent qui chamboulent tout, couche la tente, ca dure 1 minute... puis plus rien, zéro vent... et je ré-entends un grondement au loin qui se rapproche.. et rebelote 5 minutes plus tard. Et ca pendant plusieurs heures!

Le lendemain, un panneau (renversé) m'indique que le GR5 est coupé pour travaux. Arg! Jamais vu ca non plus. Détour par un chemin escarpé, clairement infaisable s'il y avait eu de la neige. Ensuite le parc de la Vanoise... magnifique! Grand espaces, et seul. Passage du col du Palet à 2650m sans problème, la neige ayant quasi disparue a cette altitude... Ca me rassure pour le lendemain pour le passage du point le + haut à 2750m, alors que j'avais été enneigé à 1900m il y avait une semaine...

Je descends sur Tignes, qui est en mode hors saison, et la, j'avoue, je me suis laissé tenté par un hotel et une douche chaude :-)

La vallée alpine

Fin de journée à l'hôtel, je suis surpris, pluie non prévue. Le lendemain... Ah ouais ca a bien neigé et rebaissé le niveau de la neige d'un bon 500 mètres! Bon.

La j'avais prévu depuis le début de couper par le GR55 pour rejoindre le refuge d'Entre Deux Eaux, le but étant d'éviter une zone a priori "urbaine", et de voir ce qui semblait être une vallée sympa.

Je continue sur ce projet, je grimpe, et je commence a avoir du 30-40cm de neige. Un peu de flippe, car a ce stade, je ne devine plus le chemin, je sors régulièrement le GPS et je m'oriente grace aux cairns. Le vente souffle un peu et me projete de la neige, mais dans l'ensemble ca va. Le col est théoriquement "a faible danger", avec une inclinaison lente, et les parois des montagnes autour assez eloignées, je persiste donc.

On devine encore un peu le chemin sur la photo ci dessous :-)

Un petit rayon de soleil...

Passage du col! Heureusement que j'ai quelques cairns qui m'aident!

Arrivé en haut, j'ai droit à un environnement assez lunaire. Superbe! C'est ce pour quoi j'ai signé pour ce GR :-) En en plus, le chemin est très peu exposé malgré la neige!

Descente lente de l'autre coté, et je prends une de mes plus belles photos, avec l'hiver en fondu sur un sol automnal!

Ce passage m'a donné un coup de boost, je décide de continuer jusqu'au refuge de l'Arpont, tout en sachant que le dernier kilomètre avant me fait particulièrement peur sur la carte, avec une altitude à 2600m et un escarpement fort.

Et effectivement, je traverse quelques passages un peu délicats... la pente est raide, la neige ramollie, et ca glisse... Et parfois le chemin est pas évident >_< ...

Mais clairement ca me fait découvrir un beau coin, et je serais surement tenté de faire la boucle du tour de la Haute Maurienne un de ces jours!

Arrivée au refuge de l'Arpont, un refuge "moderne" qui doit voir sacrément du traffic l'été (il y a de la place pour une centaine de personnes facile), mais qui la maintenant, est à moi uniquement mouahahahah -- car oui, ils avaient une (grosse) section ouverte!

Le lendemain : après les nombreux passages délicats de la veille, et vue la tête du chemin sur la carte, je décide de sortir du GR5... Damn! Bon il me restait plus qu'un voire deux jours, donc ca va. Je descends donc à Termignon, et me fait un petit flashback Te Araroa : une section d'une quinzaine de kilomètres sur route goudronnée!

A l'arrivée sur Modane, j'entends un gros bruit type avion de chasse... mais je vois pas d'avion de chasse... Et ca continue... Et je découvre la fameuse soufflerie de Modane :-)

Conclusion

Somme toute, une des meilleures randos que j'ai fait! Mis a part qq endroits urbains au début, un chemin bien sauvage, epicé de neige, avec des témpératures quasi parfaites, et de quoi faire de belles photos!

La suite logique serait de faire la suite du GR5, mais au moment où j'écris ces lignes (avril 2020), en plein confinement covid-19, difficile d'organiser ca, surtout que la logistique des ravitos sera bien plus dur, la section suivante étant bien plus isolée... Donc peut être le tour de la Haute Maurienne, plus court? On verra...