La rando alpine

France/Italie (2017) - 35km

 

L'année 2017 débute avec un grand changement : en revoir Paris, où j'étais installé depuis 2008 pour le travail, et bonjour la Haute-Savoie! Le changement est énorme -- alors que je planifiais et révait de ma rando annuelle depuis mon micro-appart à Paris, je peux à présent chaque weekend sortir et marcher! Quel plaisir!

Objectif neige

Petit retour en arrière, mai 2016 à Paris, juste avant ma rando en Islande. Je tourne en rond, et j'organise toute une logistique pour pouvoir faire depuis Paris un weekend rando dans les Alpes, avec le train de nuit Paris-Briancon. Depuis l'Argentière-la-bessée (~1000m), je prévois de faire une boucle passant par le col de l'Aup Martin (2761m).

Bizarrement, je tilte pas trop sur le dénivelé de 1700m (après tout, j'ai bien fait autant pendant le Te Araroa), et je découvre que plusieurs mois assis devant mon bureau ou dans les 13m^2 de mon appart m'ont fait perdre du muscle! Mais surtout, je découvre que le col est enneigé... Il faut savoir que j'ai zéro expérience en rando-neige à ce stade, et je bloque : déjà crevé et à bout de souffle, je pose la tente à 2200m au pied du col.

Je m'y réfugie alors que la pluie tombe puis se transforme en crachin, et doucement le froid commence à se faire sentir. Je mets quasiment toutes mes couches de vetements puis m'endort... Un fort bruit me reveille, je suis aux aguets. Un animal pas loin? J'attends... A nouveau ce fort frotement! J'ouvre les yeux, et je découvre ma tente complètement affaissée sur moi, à cause de la neige, le "crachin" que j'entendais! Je taperais ainsi plusieurs fois ma tente durant la nuit, pas du toute faite pour supporter la neige.

Et je me reveille ainsi entouré de neige, déjà fondante. Bon c'est sûr, je suis pas encore équipé, je décide de faire demi-tour et de m'équiper sérieusement pour la neige!

Les raquettes

Les priorités sont importantes : à peine déménagé en Haute-Savoie, j'enfile les raquettes que j'avais acheté il y a une année, et j'enchaine les randos! J'ai un guide assez complet de randos, et je fais connaissance avec les montagnes et les vallées alentour : le plateau des Glières, les Aravis, le Chablais, ... On se déplace assez vite en Haute-Savoie, et quasiment tout est accessible en une heure! Du grand bonheur comparé à l'année précédente!

Les raquettes me permettent de bien m'accrocher en montée, lorsque la neige est dure et qu'il est dur de faire une marque avec le pied, et m'aident aussi lorsque la neige est fondante et nous éviter de s'enfoncer aléatoirement dans la neige. En revanche, les déplacements latéraux, perpendiculaires à la pente, sont assez difficiles.

La tente

On passe aux choses sérieuses, avec une vraie tente 4 saisons! Et après mon expérience des vents d'Islande, je prends aussi quelque chose dans le genre bunker. Je finirais par choisir la Hilleberg Soulo, une tente 1 place qui reste "légère" dans sa catégorie (2.4kg). Je n'ai pas encore pu la tester en fort vent, mais je confirme qu'elle semble clairement être capable de tenir face à une grosse tempête! Je passe ainsi d'une tente uni-arceau (en Y) et 2 ficelles de fixation, à une tente à 3 arceaux, et 12 cordes de fixations!

Je profite aussi de quelques nuits aux alentours de -5°C et du fait que j'ai un balcon (ca change!) pour m'entrainer à dormir à des températures négatives.

La rando

Avec tout ce nouvel XP, je suis enfin prêt pour une rando multi-jours sérieuse, et je planifie une section du tour du Mont Blanc, de Contamines-Montjoie à Courmayeur en Italie, en 4-5 jours, 3000m de dénivelé positif. Facile, me direz vous, des hordes de touristes asiatiques la font chaque année? En effet, mais je vise à la faire mi-mai, avec de fortes chances de sections enneigées et de temperatures froides, avec evidemment le but d'être seul et ne croiser personne. Et en effet, je serais bien servi, surtout à la fin... Je crois même que c'est la rando la plus engagée, la plus difficile physiquement que j'ai faite jusqu'a présent!

La première journée commence avec une montée de 1000m à Contamines-Montjoie à 2300m au col du Bonhomme, et j'y vais mollo pour la première journée. Une bonne partie du début est une voie pour 4x4, régulièrement espacé de refuges, buvettes, et chalets privés, mais tout est encore fermé, la saison ne commece que mi-juin. Même les toilettes publiques n'ouvrent qu'à l'ouverture de saison... Le temps est sombre, et la température tombe vite avec le vent et le gain d'altitude. A 1800m, les dernières habitations passées, je croise mes premières plaques de neige, ainsi que ce je crois être des toilettes surement fermées, mais qui se revelera être un mini-refuge d'appoint. Je regarde autour de moi, et vois de nombreuses pentes balayées par des avalanches qui semblent fraiches -- il a en effet neigé la veille. J'apercois finalement au loin le col qui semble bien raide, et j'ai des doutes. Est ce une bonne idée?

Je suis une vielle trace, puis finalement pose la tente sur la derniere section avec encore un peu d'herbe visible. Je mets toutes mes couches de vetements, mais malgré tout il fait trop froid et j'expédie vite fait le repas avant de me réfugier dans la tente. Je me félicite intérieurement d'avoir finalement pris ce nouveau sac de couchage, massif, mais qui est sensé tenir jusqu'à -20°C. Et en effet, je passe une super nuit bien au chaud! Le lendemain je me reveille en découvrant des gouttes d'eau sur mon sac, très surement du à ma respiration. Je les balaie de la main, mais non, c'est gelé! Il aurait fait entre -5°C et -10°C.

Le lendemain, retournement complet de situation, grand soleil et chaleur! En mangeant mon petit déjeuner, tout doute s'éfface par rapport au passage du col, avec un habitant de Contamines ouvrant la voie. Je mets les raquettes et grimpe péniblement, le manque d'oxygène se faisant sentir. Sur le chemin, des marmottes gambaddent sur la neige et se réfugient dans leurs tanières sous la neige. J'en avais jamais vu avant de si près, mais ce sont de gros bébés, presque des petits oursons!

Direction Col de la Seigne

Je passe le col du Bonhomme, bien aidé par les raquettes, et ensuite rejoint le refuge de la Croix du Bonhomme par une section transverse qui me redit qu'il faudrait que je trouve mieux que des raquettes pour les sections latérales... Je suis à présent en t-shirt, le soleil tape, et il est super agréable de redescendre en volant presque dans la neige amollie par le soleil!

La vallée est relativement isolée : j'arrive dans un petit village, et une petite route m'emmene au bout de la vallée où se trouve une vingtaine de chalets et refuges. Malgré cela, de nombreux véhicules et camping-cars me croisent, et ca casse un peu l'aspect chemin isolé que je recherche. Malgré tout, je reste toujours seul sur le chemin du tour du Mont Blanc, en excluant 5/6 personnes faisant des marches d'une journée.

Je campe au refuge des Mottets, fermé comme tout le reste, et y dors seul, si on ne compte pas les dizaines de marmottes autour de moi. Et cette fois ci, j'essaie de dormir sans avoir trop chaud!

Le lendemain, je grimpe, et je traverse latéralement mes premières plaques de neige dure. C'est le matin, et il faut que je donne plusieurs coups avec mon pied avant d'avoir une marque suffisament grosse et passer au pied suivant. L'avancée est fatiguante, et d'autant plus stressante que je vois le ravin sur ma gauche et que je me rappelle la glissade dont j'ai été témoin hier -- une personne dont le pied à glissé, et qui a glissé sur une vingtaine de mètres avant d'être receptionné par le mari en bas de la plaque, heureusement sans casse. Je comprends maintenant le cas d'usage où les crampons serait utile, et réalise que je n'avais jusqu'a présent pas encore eu le cas de traversée latérales pentues de neige dure, difficilement faisable en raquettes.

L'avance est longue et difficile, je m'épuise, mais arrive enfin au "presque-plateau" du col de la Seigne, séparant la France de l'Italie. A partir de la, c'est neige en continue, et avec mes raquettes, c'est l'autoroute (minus les arrets tous les 100 mètres pour reprendre mon souffle, ah!). Et ca y est, je le découvre enfin, le Mont Blanc!

La vallée sauvage italienne

Enfin, une section isolée et sauvage! A partir de la, je ne rencontrerai plus personne ni véhicule jusqu'à la fin, et cette vallée italienne jusqu'à Courmayeur est superbe. Tout d'abord une section plate à 2000m complètement recouverte de neige qui donne l'allure d'une mer de neige. Je prends mon temps, savoure cette vallée rien qu'à moi, et prend le temps de faire pas mal de photos. De nombreuses marmottes, et j'apercois même quelques chamois!

Au refuge Elizabetta (fermé, ainsi que les toilettes, doit je préciser?), je découvre un superbe glacier perché et de multiples chutes d'eau en découlant. L'endroit est majestueux, et je note ce refuge dans la liste d'endroits à experimenter. Je descends sur le plateau suivant dans la vallée, avec un entremelement-de-rivières/marécage vendu en tant que lac, et une immense barrière de rochers au fond, me faisant tout d'abord penser à un barrage humain... alors qu'il s'agit de la marque de passage d'un glacier! Je tente de l'explorer en grimpant la barrière sans mon sac, mais je suis épuisé, et retourne sur le chemin.

Je n'ai plus qu'un dernier col à passer, mais les 100 premiers mètres me vident de mon énergie : une montée latérale avec de la neige très particulièrement molle : à chaque pas, la neige m'arrive mi-cuisse, et les batons et bras finissent aussi souvent par s'enfoncer quand on veut s'en extirper! Mais je suis finalement récompensé par un magnifique spot de camping juste en face du Mont Blanc, à coté d'une ancienne demeure en ruine.

La frayeur

Reveil tôt, je grimpe les 300 mètres restant pour ce dernier col à 2500m. Comme sur tout ce parcours, la présence de neige cache le chemin, et l'utilisation de mon application de téléphone portable faisant à la fois carte IGN 1/25000 et GPS m'est totalement indispensable. Avec la carte seule, je n'aurais pas pu, et il m'aurait été substantiellement plus difficule avec la carte et un GPS séparé.

Une fois en haut, une frayeur similaire à celle que j'avais eu en Suède en 2013 lorsqu'il avait fallu que je descendre un glacier : une pente très raide (60 degrés?), haute (300m?), à descendre latéralement, avec de la neige très molle. Et comme en Suède en 2013, c'est le tracé d'une personne qui me rassure et me fait y aller. Je commence à y aller, et je commence à glisser. J'arrive à freiner grace entre autre à mes batons, mais je me sens à la limite. J'arrive à rejoindre un ilot de terre au milieu de la neige, ce qui me permet, comme les traces l'ont fait, de descendre de 50m de manière sure. De retour sur la neige, je vais très doucement, et marque le plus possible mes pas. La pente s'adoucit au fur et à mesure, et ca passe. Phew.

Une fois en bas, une autre épreuve, où pour le coup je ne savais pas si je devais avoir peur ou pas : un gros amas de blocs de neige du à une avalanche d'il y a quelques temps, surélevant le niveau de plusieurs mètres. A priori, il y a peu de chance que des trous se soit formés entre des blocs, et que je puisse m'y coincer, mais je n'étais pas sur.

Cela passé, je rejoins la première marque de civilisation depuis un moment : la station de ski de Courmayeur, fermée. Je dis en revoir à la dernière plaque de glace, et je descends à Courmayeur, où un bus m'attends...

Ces 4 jours m'ont paru une semaine, et je suis vidé de mon énergie. 3000m de dénivelé positif, c'est une chose, mais un bon tiers sur de la neige pourrie, ca en rajoute un bon paquet! J'ai gagné pas mal d'XP avec les différents types de neige, et je vois que j'ai encore beaucoup à apprendre, avec, en prochaine étape les crampons.