La rando de toutes les nooberies

Suède (2012) - 100km

 

Et oui, on commence tous un jour, et quand on commence, on fait très souvent de la merde. Et j’ai fait particulièrement fort sur ce tableau…

Le plan

Aucune expérience en rando longue durée, à part peut être une nuit en tente en camping, et bam! je commence direct avec une rando de 8 jours partant de Kvikkjokk, un village de 70 habitants tout au nord de la Suède!

L’idée était de remonter la vallée à l’Ouest, ensuite de faire une boucle, en passant par le lac Vaimok, de remonter par le Nord, puis tourner Est et rejoindre ensuite Tarraluoppal. Là, évidemment parce que j’étais un ouf, j’avais booké un hélicoptère pour nous ramener à Kvikkjokk pour le retour. (J’avais potentiellement trop de sous à l’époque) Le tout en 8 jours, estimé à la louche. Et pour couronner ca, j’y ai emmené une amie qui avait autaunt d’expérience que moi!

Les noobitudes

Quand on est un noob, on fait des noobitudes. Et je commence donc. Après un avion pour Stockholm, un train de nuit de 12 heures, 2 bus, nous arrivons à Kvikkjokk avec 2 autres personnes. Nous sortons du bus, et il n’y a strictement personne — c’est un village de 70 habitants! Et la, je sors ma carte pour me repérer : une carte Google Maps élévation imprimée en noir et blanc sur une feuille A4, avec, dessiné au stylo, le chemin…. Rien que d’y repenser j’ai à fois honte et je suis mort de rire. Et c’est exactement ce qu’ont du ressentir les 2 autres personnes sortant du bus, et qui m’ont passé par pitié une vieille vraie carte qu’ils avaient pris en backup. Je réalise pas encore sur le moment, mais ils m’ont probablement évité d’apparaitre dans les journaux Suédois section Faits divers et Humour.

Ma première traversée de rivière !

Car pour commencer, je découvre sur la vraie carte qu’il y a une grosse rivière entre nous et le chemin où je veux aller. Pas prévu! Je découvre avec stupeur la présence d’éléments naturels qui peuvent m’empêcher, moi, d’avancer à ma destination. Diantre. Je vois donc avec les 2 autres personnes : il y a un habitant qui fait la traversée en barque. Ok c’est parti.

On commence par traverser une forêt, et que découvre-je à l’intérieur? Des rivères! Des petites rivières, certes mais qu’il faut traverser quand même! Et à mon niveau noobique du moment, il m’est juste pas enviseagable de me mouiller les pieds. Le sacro-saint pied doit rester sec. Et quand il est pas possible de le sauver de l’humidité liée à l’eau, il faut absolument garder les chaussures au sec! Et j’avais pensé à tout, j’avais même pris une paire de sandales pour les traversées! Je rigole bien en me rappelant les contorsions que j’ai du faire pour traverser certaines rivières, et des levels de saut en longueur que j’ai gagné. Et comment j’ai expliqué à 2 suédois croisés qu’ils allaient devoir affronter une traversée de rivière. Maylol.

En écrivant ce texte en 2016, soit 4 ans après les faits, je me dis que j’ai quand même sacrément bien choisi le trajet — très belle zone, variée entre zones forestières et zones alpines, et quasiment personne, 1 à 2 personnes croisées par jour. Mais j’étais tellement occupé à souffrir de mes épaules de mon sac bien entendu trop lourd et rempli de trucs inutiles que j’avais souvent les yeux en sol, en me demandant quand c’est la mer. Dans les trucs inutiles et lourds notable, prenons le gros filtre à eau de compétition, avec grosse poignée et capable de faire du gros débit : à peine l’utilise-je dans une première rivière que les 2 Suédois du bus nous croisent et se foutent à nouveau de ma gueule en prenant nonchalamment une tasse en plastique de sa ceinture et en buvant de l’eau directement de la rivière. Je découvrais subitement que nos ancêtres avaient survecu avec de l’eau non filtrée.

Il est classe, ce noob, non?

Après ca, on croise quelques zones marécageuses, que l’on traverse en marchant sur des planches directement posée au sol. Assez sympa, je n’ai toujours pas recroisé ca ailleurs. Evidemment des fois ça s’enfonce, et le but du jeu est d’éviter de s’y enfoncer avec.

Je découvre ensuite la punition de considérer les dénivelés à la légère sur une carte. Je pense même les avoir ignorés ah! Et je n’ai pas encore précisé qu’à l’époque, je ne faisais aucun sport. Donc bam un petit 700m de dénivelé en montée pour un pur noob avec plus de peau que de muscle, ca m’a bien mis en forme. Ensuite, quelques petits kilomètres à rallonge à traverser des zones alpines faites de gros blocs de roche, à un bon kilomètre l’heure, avec le petit crachin qui va bien. Ensuite le lac Vaimok, et, diable, des spots de neige! C’était pas prévu ca! Et ca caille… et tout au bout du lac, le refuge pour la nuit. Et qu’il a été long à longer, ce lac Vaimok… On n’avait pas prévu de dormir dans le refuge, mais vu notre état, on s’est laissé tenté. Bam le petit coup de bambou que j’ai pas vu venir, et je dormais déja sur le matelas et les draps… Pour me réveiller en me sentant papy — n’arrivant pas à me tenir debout, irrité et courbaturé comme je ne l’ai jamais été. Et oui mon brave, tu espérais quoi sans entrainement!

Le majestueux et sublissime lac Vaimok !

Bref, revue du plan, on annule la boucle : le trajet était beaucoup trop optimiste sur nos capacités, et on se résigne à faire demi tour et à rejoindre Tarraluoppal par un chemin plus court. L’humeur n’est pas au beau fixe, plutôt au nuageux, comme les nuages de moustiques qui nous poursuivent. Et ce ne sont pas juste deux trois moustiques comme on les trouvent sur la Cote d’Azur, mais bien le gros nuage qui nous suit partout et qui rendent le passage au toilettes dans les bois tellement comique — faut il optimiser le nombre de piqures ou bien la propreté du postérieur ? Choix pas facile !

Mais cela étant dit, ce lac Vaimok restera bien longtemps dans mes souvenirs comme le tout premier superbe lac totalement isolé que j’aurais croisé en zone alpine — il est le symbole de l’excitation de la découverte, du début, de la noobitude, des boulettes en cascade, et de comment on nait tous noob avant de roxxer bien comme il faut. Deux années et demi après avoir croisé ce lac, je partais marcher 3000km en 5 mois en Nouvelle Zélande.

Il fait sombre et froid…

Mais revenons à nos nooberies. Nous repartons donc, dans des vêtements encore trempés, car bien evidemment nous sommes partis en coton, tissu parfaitement optimisé pour la rétention d’eau. Et je ne parlerais pas du chat mort — la polaire mouillée. Mais heureusement que j’ai pensé à tout ! J’ai pris des super allumettes résistance à l’eau pour pouvoir faire du feu et se réchauffer ! Mais le scratch, lui, n’était pas résistant à l’eau… Mais pas de problème, j’ai pris un silex pour faire des étincelles comme un bon scout ! Oui mais non. Rage-quit, j’ouvre ma bouteille d’essence et j’en balance sur le feu. L’embout de la bouteille prend feu, je me brule de nombreux poils, et il m’en faut de peu pour finir avec la bouteille inutilisable… car, histoire de continuer dans la lignée des mauvais choix, j’ai pris un réchaud à essence…. Lourd, encombrant, impossible à démarrer dans/proche d’une tente (flame jaillissant au démarrage), alors qu’un classique réchaud au gas aurait été tellement mieux…

Qu’il est bien équipé, ce noob!

Et parlons chaussures maintenant ! Car pour randonner, il faut des bonnes chaussures de rando. Visualisez une chaussure de rando… grosse semelle, grip, costaud, impermeable… et bien j’ai visualisé comme vous et j’ai pris la première lui ressemblant, à 30€ dans un magasin de chaussure de ville! Bref, au bout de deux jours, la semelle s’auto-détruit, et je marche sur une sorte de quadrillage plastique — car la semelle n’était même pas pleine! Je vous aurait bien partagé mes ampoules quadrillées, mais j’étais trop en souffrance pour penser à prendre une photo…

Cela étant dit, c’est surprenant comment, après les 15 premières minutes de souffrances à marcher avec des ampoules mûres et juteuses, on arrive à s’habituer à la douleur et penser à autre chose. Et donc on a continué, rebroussé chemin de Vaimok et sommes arrivés quelque jours à Tarraluoppal en avance. Du coup, petit passage dans une grosse zone à lac pas loin pour la dernière nuit, et le lendemain un hélicoptère est venu nous chercher en mode cowboy.

Au final, une superbe première expérience de randonnage. J’aurais découvert que le randonnage, c’est de l’endurance — le froid, la pluie, la douleur, la promesse du refuge au loin qui n’avance pas — mais c’est aussi des superbes zones sauvages sans personne et des longs moments pour brainstormer avec aucun autre souci en tête que le manger et le dormir. Je retournerais définitivement un jour à Kvikkjokk pour retrouver Vaimok et réaliser tout le chemin que j’ai fait depuis…